Ceci a été écrit à chaud, alors pour ce qu'il en est de la beauté du verbe, oubliez-la.


Déambuler d'un décor à un autre, en oubliant quelque peu la façon dont chacun s'ouvre à ma vue, ne me paraît pas si étrange. C'est dans l'ordre des choses, tout comme la façon dont un passé s'immisce dans les pensées du présent, pour que ce dernier se vérifie. Au début, nous ne sommes pas si dupes. Mais nous attestons de son authenticité. Et puis de toute façon, une simple léthargie a souvent son dernier mot.
Néanmoins, dans ce cas-ci, c'est plutôt de vouloir que des séquences se modèlent, avec tous les détours des élans de l'esprit, parti en veillée. Je veux ainsi qu'elles m'arrachent de force, de ce corps harassé, pour que je puisse m'immiscer dans leurs jeux. Je conçois dès lors que l'on peut s'y perdre. Egarons-nous alors.
N'étant pas astreinte à faire l'état des lieux à chaque franchissement de porte, il me suffit souvent de quelques minutes pour combler ma curiosité. De plus, et cela n'a rien d'étonnant en soi, le rapport au temps est propre à chaque fiction. Mais surtout, ici et là, la pesanteur n'a rien d'immuable. Dès lors, même si un amas de catégories nous suivent pour le meilleur et pour le pire, elles sont un peu bousculées par des embarras et des créations de l'esprit. Ainsi, souvent suivie de près ou de loin à l'horizon par des mascarets venus de toute part, j'essaye de les éluder. A force, je m'étais faite à cette entrée angoissante. Alors je savais passer outre. Il suffisait de comprendre que l'amplitude et la vitesse des vagues dépendent de la frayeur que j'ai lors de mes arrivées quelque peu fracassantes. Il suffit de décider que ce décor de ciel et d'eau s'effondre sous un autre plateau à trois dimensions. A peine pensé que je me retrouve ailleurs. Et à bas les nuisances qui pourraient, d'un coup de baguette, effacer ces ouvrages avant même que j'eusse pu les apprécier un instant..
Milieu presque aseptisé, le complexe est entouré de couloirs laissant la lumière pointer à quelques endroits stratégiques. La bâtisse qui l'abrite ne détonne pas du reste. La curiosité se penche alors sur ce qui se cache derrière ces vitres, ces couleurs métal-argentées qui ont le pouvoir de se charger, elles, de l'énergie lumineuse. Ainsi, ce qui m'invite à me déplacer dans ce lieu-dit, c'est sa particularité travaillée à l'extrême, ce sont ces ambiances affûtées sans limites. De toute de façon, qui d'autre que moi pourrait arrêter cette extravagance en plein vol ?
Nous sommes tous avec des documents à la main, à faire une marche forcée dans des sens convenus à l'avance dans de larges couloirs, jusqu'à ce que chacun atterrisse au niveau qui balise son lieu de vie  . Avant de me rendre en ce microcosme, j'ai sans doute vérifié plutôt deux fois qu'une s'il me manquait quelques papiers importants qui auraient pu prendre en pleine face la marée montante. Mais il n'en est rien, et je m'en assure. J'avais eu peut être à ce moment là le cran de me mettre face à elle pour reprendre ce que j'avais laissé sur le sable. Et puis j'ai peut-être fui à pas de géant pour m'en réchapper, comme si de rien n'était, pour enfin atterrir, de façon tout à fait inattendue, là, dans cet endroit, assez homogène dans son aspect. D'ailleurs, à ce sujet, je pourrais être à même de vous dire à quoi il ressemble. Il est un des exemples du paroxysme de la recherche en la matière. Et j'ai comme l'impression que les employés n'en sont pas insensibles.
Chacun de nous a fait tout son possible pour mener à bien surtout un de ses projets, qui était bien sûr de pouvoir pousser la porte de ce complexe.
Ainsi, des visages entraperçus me faisaient ressurgir des souvenirs datant d'une dizaine d'années. Je les connaissais, auparavant. Au fond, cela ne m'étonne pas. Cependant, ce qui pourrait être un peu plus surprenant, c'est qu'après tout ce temps, toute cette colonie a évolué pour finalement être composée de gens un peu plus ressemblant les uns des autres. Mais ce qui m'incite à en connaître un peu plus, c'est que je sais que je ne reste ici qu'un temps, le temps du sommeil. J'aurais voulu avoir plus de détails, mais c'est ainsi.
Laissons d'autres bribes oniriques envahir nos connexions, milk-shake de ce que l'on vit, de ce qui nous fait peur, de ce que l'on ressent, de ce que l'on ne voit pas en plein jour.

                                                                                                        le 24 novembre 2005